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Du Marathon de Colmar 2017
Un marathon…
Qu’est-ce que 42 km et 195 m ?
C’est environ 84 000 foulées. En tant que minimaliste, c’est un petit peu plus, petites foulées obligent.
84 000 foulées, c’est simplement une seule et unique foulée.
Un pas.
Un pas après l’autre.
C’est comme la vie.
La vie, c’est une centaine d’années.
Environ 3153600000 secondes.
Personne ne se dit : oh, j’ai encore tout ça à vivre, je n’y arriverai pas, c’est trop long.
On vit instant après instant.
Un marathon, c’est pareil. Et comme la vie, un marathon à plusieurs, c’est plus fun.
Nous sommes trois. Il est 9h17. Il fait froid. Ah non, c’est vrai, nous sommes des guerriers. Il fait seulement un peu frais. Guerrier ou pas, l’excitation du départ me tient chaud.
Nous sommes trois. Les trois membres de l’escadrille L’instant 249.
M.Mih au départ pour les 84 000 foulées en Luna, sandales de trail inspirées des huaraches.
Plouis, l’homme bleu en Five Fingers pour me soutenir à partir du 21ème km.
Et Framagirl, déesse en chaussures minimalistes Merrel pour les 10 derniers kilomètres.
Autrement dit, on ne pèse vraiment pas lourd. Pas d’amorti, de drop, de gels étranges, de chaussures high-tech.
Nous, on reste légers et près du sol.
Si matériellement, nous sommes light, en humanité, nous sommes lourdement chargés : amis et familles se sont organisés pour jouer les supporters déchaînés. Et ce fut plus qu’un simple luxe…
9h29, le départ va être donné.
Tiens, quelqu’un d’autre en huarache. Et même… une femme pieds nus ! Je l’aime…
C’est la première fois qu’elle tente un marathon pieds nus. Le parcours faisant un bretzel (pardon, un huit), elle se laisse la possibilité de s’arrêter au semi-marathon.
Il existe toujours plus fêlé que soi, c’est rassurant !
C’est parti. Nous sommes presque 4000 coureurs. Des marathoniens (ou futurs), des coureurs en relais (4x10km), des escadrilles. Les semi-marathoniens sont partis une demi-heure avant, j’aurai encore la chance d’en rattraper quelques uns (oui, souviens toi, le parcours forme un bretzel).
Comme à chaque fois, je pars assez vite, entraîné par le flot de bipèdes et les acclamations du public.
Je sais que je suis partis pour faire 42km en moins de 6h, barrière horaire oblige.
Je sais qu’il y aura 239m de dénivelé positif.
Je sais que cela fait du 7km/h en moyenne.
Je sais qu’il y aura essentiellement du macadam.
Je sais que je n’aime pas le macadam.
Je sais que ma plus grande course, c’est le trail du HK, 25km et 900m de dénivelé positif, en forêt.
Je sais que ça va être intéressant.
J’arrête de savoir.
Je cours.
Courir, c’est comme la méditation Zen.
Du corps à la respiration, et de la respiration au corps. Et puis, les mouvements de l’esprit : check-up / observation / lâcher-prise.
Pose du pied, alignement, petite foulée, bascule du corps, mouvement des bras, mains ouvertes et détendues, épaules relâchées, regards, nuque. Okay.
Respiration. Prendre l’air par le nez, le lâcher. Puis-je prendre l’air par le nez ? Non, je ralentis alors. Relâcher l’air sans effort ? Profondément ? Non, je n’expire pas, moi. Je lâche l’air, je l’encourage à sortir. Ma date limite n’est pas encore atteinte, je n’expire pas.
Le corps et la foulée se déroulent, je suis happy. Je laisse les pensées vagabonder, mon esprit allant d’un sujet à l’autre, sans trop d’attache. Temps idéal finalement.
C’est facile, finalement, un marathon.
Je vous avais parlé des supporters déchaînés. Et bien, les voilà. Cela ne fait que quelques kilomètres que le peloton tourne dans Colmar, et voilà qu’un hipster cheveux longs, barbe et ukulélé me fonce dessus, accompagné de quelques autres énergumènes que je ne puis décrire ici, parce que, là, en fait, je suis en train de courir. Quand je pense que certains courent avec de la musique. Moi, c’est la musique qui court avec moi sur quelques dizaines de mètres ! Avec de tels amis, je ne peux que réussir (et susciter rires et chansons…). Parfait, je vous l’ai dit !
Je dois surfer entre 10 et 12 km à l’heure. Et à part les trop nombreuses remarques des spectateurs incultes sur mes sandales (non, ce ne sont pas des tongs, non, ce n’est pas un pari), tout se passe bien. Comme prévu, j’ai envie de dire.
Si je continue comme ça, je boucle le marathon en 4h. Qui l’eut cru ?
Je quitte Colmar pour Eguisheim. Je laisse mes amis bi-z’arts (coureur et musicien !) pour profiter du vignoble alsacien. Je devrai être « seul » pendant le reste du semi-marathon maintenant, jusqu’à ce que je récupère Plouis au 21ème km, la circulation étant trop compliqué pour que le reste de l’équipe me poursuive. Bien. J’apprécie cette solitude. Enfin… il y a toujours quelques personnes qui s’étonnent de mes chaussures. Ça fait partie du folklore. N’empêche, en trail, les arbres ne font pas de remarques sur mes chaussures, et sont bien plus silencieux. Juste parfois un peu de vent entre les feuilles.
Petites discussions avec des coureurs moins ignares que d’autres en matière de sandales de course. L’un d’entre d’eux compatit : tant de « vent » agite les « arbres » au passage de mes sandales. Certains se délient les jambes en courant à mes cotés, d’autres la langue en restant au bord de la route. À chacun ses muscles préférés !
Mais voilà qu’un arbre cache la forêt. Qui est donc là, au bord de la route ? Senseï !
Mon enseignant d’Aïkido, quelle surprise ! Il court quelques centaines de mètres à mes cotés, mains dans les poches et chapeau sur la tête. J’arrête mon Run-Zen immédiatement. Je continue de courir, bien sûr, mais un élément perturbateur m’a fait quitter la dimension Zen. Petit Scarabée a encore beaucoup à apprendre pour ne pas se laisser distraire par le maître imprévisible. Tu trouves que c’est cliché ? Alors, en voilà un :
Un quart de course effectué. Forme au top, motivation, le macadam n’est pas trop dur pour mon âme de macaque (en sandale). Franchement, je peux le faire, non ?
Semi-marathon, retour à Colmar, je dois récupérer mon équipier, Plouis, quelque part sur le chemin. Beaucoup de monde, un mec dit des numéros au micro, moi, je suis là pour courir, je cours. Et puis, mine de rien, un semi-marathon dans les mollets, c’est présent. J’ai un adducteur au niveau de la cuisse gauche qui aime me soutenir. Du genre, le supporter trop présent, à la limite un peu lourdingue. Allez, suffit de faire une boucle de l’autre coté, et c’est réglé.
Bon, il est où mon compagnon ?
C’est bien beau de faire le singe pour m’encourager à l’entrée de Colmar, mais là, je quitte le centre-ville, et toujours pas de deuxième membre de l’escadrille Instant 249…
Un joyeux couple de coureurs me dépasse, je regarde les dossards. Saperlipopette ! C’est une escadrille (et je suis toujours seul, moi). Je m’arrête. Vite, vite, vite, l’énergie doit remonter des jambes vers le cerveau. Qu’est-ce que je fais ?
Courir et m’en badigeonner le nombril avec de la mayonnaise de mon équipier qui n’est pas parti du bon pied ?
Aller à contre-sens et à contre-cœur pour retrouver le Plouis au lieu de rendez-vous raté, à environ 500 mètres ?
Parler à cette belle bénévole en gilet orange, certainement en possession d’un téléphone ?
Le cœur, le corps et le bon sens me font parler à cette humaine non-coureuse. Voilà que je cours après une fille pour pouvoir à nouveau courir. Les doigts suants, je compose le numéro de la troisième membre de l’escadrille, qui doit être avec le reste de la troupe, dont le Plouis.
Premier appel. Numéro non attribué. Pas assez d’énergie dans le cerveau. Sprint pour retrouver les bons chiffres. Depuis quand un numéro a 12 chiffres ? M.Mih, hé ho!
C’est bon. Ça sonne, ça décroche. Beaucoup de bruit. Je veux mon Plouis ! On me l’envoie. Alléluia !
C’est une flèche bleue qui court vers moi, au bout de quelques minutes. C’est beau, l’énergie de la jeunesse. Bon pied, bon œil, il est en forme, et je le vois de loin. Cool.
Après tout, ce n’était qu’une interruption d’une dizaine de minute, je peux retourner à ma méditati…
Mais qu’est-ce que ?
Est-ce le flow de paroles du Schtroumpf, qui joue et se joue de la course, embrassant bénévoles, faisant caracole, troubadour riche en tours ? Mes jambes sont lourdes, je n’arpente plus le macadam en rythme. Mon adducteur-supporter redouble d’effort pour faire la fête avec nous, faisant fi de mes difficultés naissantes. Qu’est-ce qu’il peut être rigide, des fois, celui-là…
Et qu’est-ce qu’ils me cassent les pieds les autres, avec mes tongs ! Plouis en rigole, allant du second degré à la provocation. Je suis sûr qu’il est jaloux dans le fond, que personne ne remarque ses Five Fingers (chaussures à orteils !). Je laisse Plouis être dans son monde, et m’enferme dans ma bulle. Ce n’est qu’un moment désagréable à passer, M.Mih va revenir en pleine forme bientôt.
Non. M.Mih ne reviendra pas en pleine forme. Nous sommes au 25ème km. C’est pour moi la fin de la course.
Je souris juste pour la photo. Ce sont les seuls moments où j’ai encore de l’énergie : quand je peux faire une blague, sortir une bêtise. Mauvaise influence de Plouis ?
Avoir réalisé le semi-marathon en moins de 2h, et abandonner là d’un seul coup ? Qu’importe, je m’en fiche. Avancer, jusqu’où ? Je n’ai pas d’autre but que de vivre chaque moment. Les coureurs nous dépassent, mon clown-compagnon reste positif. Il est même prêt à me porter pour continuer.
Jamais !
Je préfère arrêter que de vivre à travers quelqu’un d’autre. Surtout à travers lui ! Non, mais il croit quoi ? Il est peut-être pompier maintenant, mais je préfère périr que de me faire servir !
Rapidement, il n’y a plus que les estropiés autour de nous. Des coureurs arrêtés sur le bas-côté, des boiteurs et autres misérables. Je tente de marcher. Cela est plus douloureux. Mais c’est mentalement moins usant. J’alterne. Je cours cinq minutes, je marche pendant une minutes. Non. Je cours une minute, je marche une minute. Je cours… plus vraiment. On dépasse une équipe dont le marathonien (qui ne le sera peut-être pas aujourd’hui) à une crampe. Il nous assure que ça va aller, ça va passer. Ah, ça peut passer ? Bonne nouvelle. Plus tard, il nous dépassera. Ce sera passé. Pas pour moi.
Marcher, essayer de courir, marcher. Marre de marcher, marre de courir. Je continue. Je dépasse le 30ème km. Un coin kiné est installé. S’arrêter pour pouvoir mieux repartir ? Non. Si un kiné me touche, c’est la fin. Non. Je continue. Tant que je reste lucide, je continue. Quand je ne serai plus lucide, ça s’arrêtera tout seul.
J’éprouve une certaine félicité, un certain contentement intérieur dans ce moment là.
Je suis encore lucide. Lucidité sans choix. Il n’y a pas à remuer les méninges. Juste avancer. Je dois faire partie des derniers, mais je continue. Même la fanfare dans le vignoble continue de jouer. Je ne dois pas m’arrêter.
C’est fatiguant d’être heureux. Heureux. Le suis-je vraiment ? Ou est-ce qu’une projection à postériori ? Au diable le monde entier.
Je ne peux pas m’arrêter avant le 32ème km, de toute manière. Là, il y a Framagirl, la troisième membre de l’escadrille. Elle n’a même pas encore couru. Si elle est encore là… Par rapport à mon très bon temps sur la première moitié du parcours, le fan-club doit s’être inquiété. Peux-être sont-ils partis à l’arrivée, ayant eu peur de nous avoir loupés ?
Pas penser. Pas penser. Arrête de penser si ça ne te rends pas meilleur. Là, j’aimerais juste être moins pire. Être plus mieux. Un truc comme ça, quoi.
Même les pom-pom girls nous proposant de courir avec nous n’arrivent pas à me relancer. Je ferai le reste en marchant, boitant de manière à ne pas réveiller mon adducteur. Marcher, juste marcher. Je sais faire, je l’ai appris il y a longtemps.
Un hipster tranquille vient à notre rencontre. Plouis est en manque de blagues, plus personne à taquiner, et je ne suis qu’un mur de silence. Le hipster a un ukulélé. C’est le 32ème km. Les amis sont là.
Oui.
Non.
Il reste encore 10km.
Une phrase courte. Je rassure les amis. Juste une phrase. Mon corps dit le reste.
Nous sommes maintenant trois pour affronter la suite. Trois ? À la vitesse où je clopine, c’est tout le fan-club qui avance avec nous. Ça me fait chaud au cœur, mais juste au cœur. Le reste du corps continue d’être un râle ambulant. Mon regard reste fixe, je ne veux pas me déconcentrer du but : juste un pas. Et encore un. Je peux les compter, jusqu’à cinquante, je recommence. J’arrête. Jusqu’à deux. Les caler avec ma respiration. Penser à mon départ dans une semaine. Je dois être en état. Je dois être. Je n’en peux plus.
Nous avons fait deux kilomètres…
Je m’arrête, je me couche. Quelques mouvements, je tente de communiquer avec mes muscles, de leur demander un peu de longueur, laissez-moi finir, s’il vous plait, je lâche l’air, je ne veux pas expirer…
Je me relève. Ça marche. Je peux repartir. Je cours… cinquante mètres. Je me couche, je leur parle. Je marche. Je cours. Je me couche. Je marche. Ça marche un peu, ça court encore moins, ça se couche. Je finirai à ce rythme-là, ça me va, dans la solitude, loin des autres coureurs, au sein des miens.
Il s’appelle Paul. Il a 70ans. Son trip, c’est d’emmener des gens dans les volcans. Alors, il doit rester en forme, il fait des marathons. Je tente de courir avec lui, il veut finir avec moi, pour la beauté de l’écart d’âge. Je clopine rapidement (c’est légèrement plus réaliste que de parler de courir). Il était ingénieur, enfin, un sorte de géo-trouve-tout. Je tente de suivre son discours, et tente surtout de le suivre. Désolé Paul, il n’y aura pas de beauté d’écart d’âge, juste un écart qui continue de se creuser. Vas-y. Oui, oui, on boira une bière à l’arrivée… Si il n’y a pas de mise en bière jusqu’à là.
Je suis à nouveau seul. Toute l’escadrille et les amis me soutiennent en me laissant dans ma bulle. Je peaufine mes mécanismes mentaux pour continuer à avancer. Une seule inquiétude réelle : la barrière horaire. 6h pour le tout. 6h.
J’ai fait le semi-marathon en 1h58 et récupéré Plouis.
J’ai retrouvé Framagirl au bout de 4h depuis le départ…
En gros, j’ai fait 10km en 2h…. Le temps continue de défiler, nous laissant à notre rythme qui n’est pas vraiment celui prévu par l’organisateur…
Je jette de plus en plus souvent un regard en arrière. Où est la voiture-balai ?
Nous arrivons au ravitaillement du 35km. Ils sont loin les festins des autres ravitaillements. Une petite table, avec juste trois gobelets. Pas de doute, nous devons être les derniers. Non. Un bruit de moteur, on se retourne. C’est la voiture-balai, précédée des cyclistes, qui suivent un malheureux marathonien, prêts à le bouffer au moindre faux-pas, au moindre signe de faiblesse mentale, au moindre mot : j’en ai marre, j’arrête.
Je repars. Ce n’est pas possible. Je vois Colmar au loin. Il reste un peu moins de 7km. Je veux me retourner, savoir où est la menace, mais je suis tel Orphée dans sa remontée des enfers. Si je me retourne, je perds et mes amis, et la course. Je n’aurai qu’à m’asseoir dans la voiture-balai, et à gagner l’arrivée en perdant.
Le dernier rempart tombe. La voiture vient à notre niveau, pour prendre la température, avant de ramener le non-marathonien. Non, il ne fera pas un voyage groupé. Je continue. Il semble hésitant, il nous laisse continuer. La voiture disparaît. Les cyclistes se positionnent derrière nous.
– On peut les ramasser, non ? Ils ne peuvent plus arriver à temps de toute manière.
– Peut-être que si…
C’est maintenant clairement une menace. Au moindre signe de faiblesse, ils nous ramassent. Ils sont là pour nous motiver, nous parlent, mais j’en ai rien à faire. Ils n’y croient pas. Je dois y arriver. Il doit rester 5km. On peut le faire. Juste un pas après l’autre. Avec une jambe rigide. Mais un mental d’acier. Les larmes sont là, mais elles attendent le signal. Elles veulent attendre l’arrivée pour se libérer. Je leur promets que oui, elles pourront faire la fête avec tout le monde à l’arrivée. Nous sommes tous ensemble. Toutes les parties de mon corps cherchent une cohérence, une unicité pour avancer. Juste un pas. Un pas.
Je cours. Pas au sens mécanique du terme, bien sûr. On ne court pas avec une jambe raide. Un pirate avec une jambe de bois ne peut pas courir. Cependant, je cours, au niveau de la vitesse et de mes appuis. Je cours. On rentre dans Colmar. Un quad nous suit et ramasse chaque barrière. Nous sommes vraiment les derniers. Les derniers. On cours. Je suis encore lucide, j’avance. Les vélos, bien en ligne derrière nous, ne nous laissent aucune marge. Si on accélère, ils accélèrent. Je ne lâcherai pas. Mais il y a tellement de muscles dans mon corps, cerveau compris, que je ne sais pas si j’ai la majorité absolue. Je reconnais les bâtiments, le chemin.
Surtout, ne pas relâcher la pression. Le chemin est toujours plus long quand on est pressé. Ce n’est pas pour rien que je cours : je suis pressé.
Il reste 15 minutes avant la fin.
Vite.
10 minutes.
Ça peut le faire.
Mais sans moi.
Je ne peux plus continuer.
Je pose une main sur l’épaule de Plouis.
Je pose une main sur l’épaule de Framagirl.
Ils ralentissent, croyant que je souhaite ralentir.
Je lâche un râle :
Plus vite… PLUS VITE
Il reste 5 minutes avant la fin officielle. Je me sens voler, réellement et physiquement épaulé par mes deux compagnons. Mes deux coéquipiers. Je ferme les yeux et continue d’accélérer.
Plus que 4 minutes. J’ouvre les yeux, j’aperçois l’arrivée. Les bénévoles forment une haie d’honneur. Je lâche mes amis, pousse un cri et cours le plus vite possible… Du visage de souffrance au visage de joie, je traverse l’arrivée…
C’est bon. Je l’ai fait ! 5h56 et 34 secondes… Juste avant les 6h.
Je me laisse tomber par terre, la tête entre les bras, et pleure. Je célèbre l’arrivée tout seul, entre mes bras, avec mes larmes. On me met une couverture de survie, je remercie et rassure, et profite d’être encore un peu dans ma bulle, d’être avec moi. J’ai réussi, grâce à mon corps, à mon esprit, à mes amis, à ma famille. Pendant un quart d’heure, je resterai là, avec mes larmes et mon bonheur d’être là, maintenant. Je suis heureux. Autant que pendant la course.
Aujourd’hui, je finis la rédaction de cet épisode si particulier. Il n’y a rien d’exceptionnel, et pourtant, c’est dans ces moments là que j’ai l’impression d’habiter le moment présent. Peut-être pas encore totalement, pas pleinement. Mais je m’en approche.
Merci à l’univers d’exister, aux amis, à la famille, à l’organisation du Marathon de Colmar, aux êtres humains d’avoir deux pieds et une si belle bio-mécanique.
Si vous venez de finir ce marathon littéraire, félicitations !
Si vous avez aimé, laissez un commentaire. Si vous voulez en lire plus, vous pouvez obtenir mon roman : L’Arpenteur.
Commentaires
3 réponses à “Marathon : Il était une fois la dernière escadrille…”
[…] organisé par le cool blog Courir un Trail (le mec a fait un marathon en sandales !) BALAISE. Nous sommes un groupe de bloggers devant écrire un article sur le thème « Gérer […]
Superbe récit. J’ai eu l’impression d’y être! Et de retrouver mes propres sensations sur la fin de mes marathons, sauf que pour toi cette fin commence dès le semi! Je ne connaissait pas le principe d’escadrille. Dommage que ce ne soit pas plus courant, c’est parfait pour accompagner un débutant ou pousser un coureur aguerri vers son record.
Merci pour ton commentaire !